Un OVNI automobile devenu icône
Quand on évoque la Citroën Méhari, les sourires se dessinent immédiatement. Petite silhouette décapotable, carrosserie plastique, allure bohème… Ce véhicule, né en 1968, ne ressemble à rien d’autre sur le marché, et c’est bien là toute sa force. À mi-chemin entre la voiture de plage et l’utilitaire rural, la Méhari s’est faite une place à part dans l’histoire de l’automobile française. Décortiquons ce qui fait de cette voiture une pièce de collection aussi atypique que recherchée.
Une conception radicalement différente
La recette de la Méhari semble simple : une base de Citroën Dyane 6, une carrosserie en ABS (un plastique rigide et teinté dans la masse), et une philosophie orientée vers la simplicité extrême. Le tout pesant à peine 525 kg. Oui, plus légère qu’une Fiat 500 moderne. Résultat ? Un véhicule rustique mais agile, parfaitement adapté aux sentiers, aux plages ou aux chemins de campagne.
La Méhari a aussi été l’une des premières voitures produites en série à utiliser une carrosserie en plastique thermoformé. Bloquage de rouille garanti, mais attention aux chocs : un bon coup de portière trop enthousiaste d’un voisin mal garé et vous repartez avec une fissure en prime. Ceci dit, sa légèreté facilitait les réparations : en cas de pépin, il suffisait parfois simplement de changer un panneau.
Une voiture qui ne se prend pas au sérieux
À l’opposé des berlines sérieuses et statutairement bien ancrées dans les années 70, la Méhari revendique une insouciance totale. C’est une voiture qu’on peut conduire en short, pieds nus, avec un chien à l’arrière. Le concept de la capote démontable entièrement, les portières souples façon toile de tente et le sol lavable au tuyau en font un objet singulier, pensé pour la liberté plus que pour la performance.
Et avec son moteur bicylindre à plat de 602 cm³, elle n’avait de toute façon ni la prétention ni la capacité d’être une bête de course : 0 à 100 km/h ? Peut-être dans une autre vie. Mais la Méhari ne cherchait pas à aller vite, elle cherchait à aller ailleurs.
La Méhari, l’alliée des campagnes… et des militaires
On a souvent tendance à l’associer aux vacances d’été en bord de mer, mais elle a eu aussi une vraie utilité pragmatique. Agile et simple à entretenir, la Méhari s’est vite imposée comme un véhicule fonctionnel dans les campagnes. Vétérinaires ruraux, facteurs, agriculteurs — nombreux sont ceux qui ont adopté cette voiture peu exigeante et passe-partout.
Mais sa carrière ne s’est pas limitée au civil. L’armée française, toujours friande de véhicules abordables et légers, ne s’y est pas trompée : plus de 11 000 Méhari dites « Méhari 4×4 » ont été livrées aux forces armées, notamment utilisées en Afrique, notamment pour leurs qualités de franchissement étonnantes en tout-terrain léger. On est loin de l’image de la voiture de plage… et pourtant, la Méhari est aussi fiable qu’un mulet sur terrain sablonneux.
Un véhicule rare qui conserve sa cote
Produite durant deux décennies (de 1968 à 1987), la Méhari a été vendue à près de 145 000 exemplaires. Ce n’est évidemment pas un chiffre anodin, mais elle s’est tout de même raréfiée. Pourquoi ? Parce que cette voiture légère et plastique n’a pas toujours été respectée comme un objet de collection. Beaucoup de Méhari ont simplement fini leurs jours dans un champ ou un garage désaffecté, sans entretien, avant d’être oubliées ou abandonnées aux intempéries.
Résultat : aujourd’hui, en trouver une en bon état est devenu un petit graal. Et forcément, la cote a suivi. Il n’est pas rare de voir une Méhari bien restaurée se vendre entre 15 000 et 25 000 euros, selon l’état, les options, et le degré d’authenticité. Certaines versions très rares, comme la Méhari 4×4 ou les éditions spéciales « Azur », peuvent dépasser les 30 000 euros.
Acheter ou vendre une Méhari : ce qu’il faut savoir
Si vous envisagez d’acheter une Méhari aujourd’hui, plusieurs éléments doivent retenir votre attention. Contrairement à d’autres classiques qui ont eu une carrière industrielle sans éclat, la Méhari demande une vraie vigilance :
- Vérifiez la carrosserie : bien qu’anti-corrosion, le plastique ABS peut se fissurer ou blanchir avec le temps. Les panneaux de remplacement sont aujourd’hui reproduits, mais le montage demande du doigté.
- Attention au châssis : c’est l’élément le plus souvent attaqué par la rouille. Même si la carrosserie est “en plastique”, le châssis tubulaire métallique, lui, n’a pas échappé à la corrosion.
- Moteur et mécanique simples : La mécanique est celle de la Dyane ou 2CV, donc très bien documentée, avec des pièces disponibles. De nombreux artisans spécialisés proposent aujourd’hui même des véhicules refabriqués à neuf.
Côté vente, c’est un modèle qui part toujours assez bien, surtout si vous ciblez une clientèle collectionneur ou nostalgique. Les acheteurs les plus actifs se situent majoritairement en France, en Belgique, mais aussi dans le sud de l’Europe ou… vers les DOM-TOM où la Méhari garde une excellente réputation sur terrain accidenté.
Une icône de design intemporelle
Derrière son allure brute, la Méhari incarne aussi un certain génie du design fonctionnel. Son créateur, Roland de La Poype, ancien aviateur et industriel du plastique, a pensé un véhicule facile à produire, entre la Jeep et la voiturette de sports nautiques. Pari réussi, au point que la Méhari est devenue une silhouette culte, souvent imitée, jamais égalée.
Elle a également été présente dans la culture populaire. Vous vous souvenez peut-être de Louis de Funès traversant la campagne en Méhari dans Le Gendarme de Saint-Tropez ? Cette image a marqué des générations. Elle renforce cette atmosphère de liberté, de nonchalance maîtrisée, presque douce à l’ère de l’injection électronique et de l’hyperconnectivité automobile actuelle.
La Méhari électrique : retour vers le futur ?
Peut-on faire revivre la Méhari ? Citroën a tenté le coup : en 2016, la E-Méhari a vu le jour. 100 % électrique, carrosserie thermoformée, look rétro… mais succès mitigé. Peut-être parce que l’esprit Méhari repose justement sur la mécanique accessible, le côté « fait main », la simplicité brute. À vouloir moderniser un mythe, on risque parfois d’en lisser l’âme.
Cependant, l’initiative a réveillé une communauté de passionnés qui n’hésitent pas à électrifier eux-mêmes leurs Méhari d’origine. Et c’est ici que la Méhari ancre sa modernité : en permettant aux amoureux de véhicule ancien de penser autrement la mobilité douce, sans renier ce qui fait le sel de sa conduite.
Pourquoi la Méhari restera un collector atypique
Ce n’est ni la voiture la plus rapide, ni la plus technologique. Elle ne déborde ni de confort, ni d’options. Mais c’est peut-être justement à travers ses limites que la Méhari exprime toute sa personnalité. Elle ne cherche pas à être ce qu’elle n’est pas.
À l’heure où l’électronique embarquée régit la quasi-totalité du parc automobile, où les fonctions s’empilent dans des fiches techniques indigestes, la Citroën Méhari nous ramène à l’essentiel : rouler pour le plaisir, avec le vent dans les cheveux et une mécanique rustique sous le capot.
Elle n’a jamais prétendu être une voiture pour tous. Mais aujourd’hui, elle est devenue une voiture pour ceux qui la comprennent vraiment. Ceux qui savent qu’au volant d’une Méhari, on roule léger. Et librement.